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Nous avons pris la décision de “rendre le tablier” en fin d’année avec Canson, enfin… de rendre notre belle plaque ronde de laboratoire certifié, et je vais vous expliquer tout ce qui nous a conduit à prendre cette décision, en toute transparence, quitte à nous faire de nouveaux amis.
“faire du chiffre…”
Commençons par l’élément déclencheur, le point de bascule, ce moment où je me suis dit que nous n’avions pas plus les mêmes valeurs (et plus envie de manger des rillettes ensemble…), pendant le Salon de la photo 2019 quand le responsable Canson m’a reçu sur son stand avec un froid “faut faire plus de chiffre avec nous Marc…sinon…“.
Pan, dans ma face…je ne fais pasplus assez de chiffre, j’ai mis un moment avant de réaliser de quel chiffre il parlait, mais il m’a tout de suite précisé que nous ne commandions plus assez de rouleaux de papier, vu qu’il avait prit le temps de vérifier nos comptes chez nos fournisseurs.
Bon super, même pas un café pour l’accueil, je passe 5 min à me faire “gronder” comme un gamin parce que nous ne faisons pas assez de chiffre, et que du coup Canson ne peut pas éternellement assumer notre “promotion” (sic…) gracieusement et généreusement comme ils le font depuis des années!
Canson bidon ?
D’ailleurs, je suis sûr que si vous lisez ces lignes, c’est grâce au magnifique travail de communication de Canson, à ses campagnes de pub 4 par 3 dans les rues de France pour nous aider et nous faire connaître auprès du grand public depuis des années, me tromps-je ?
“Canson vous apporte une grande visibilité, on communique pour vous…ça implique en retour plus de commandes de papier”
le boss du marketing Canson
Visiblement le monsieur de chez Canson le croit lui, et de rajouter que j’étais limite ingrat de ne pas acheter plus de rouleaux en échange et menace de m’enlever cette plaque, “parce que tu comprends Marc j’ai des dizaines de labo qui veulent être Labo certifié et qui attendent à la porte…”
Je crois que c’est précisément à ce moment là dans ma tête que j’ai pris la décision de tout lui rendre, gentiment, en gardant ma face de “grand sourire” ravi de la crèche.
Certifié, mais pourquoi ?
Petit retour en arrière pour commencer, c’est quoi cette certification ? D’où ça vient ? A quoi ça sert ?
Hahnemühle les premiers…
Pour la petite histoire, c’est le papetier Hahnemühle qui a créé le concept de “Laboratoire Certifié” en premier, Canson n’a fait que “suivre” deux ans plus tard (et Epson est le créateur de la Digigraphie, une sorte de certification aussi).
C’est en janvier 2015, après avoir rencontré le responsable France d’Hahnemühle au Salon de la Photo, que nous avons fait la demande pour obtenir ce label de qualité. C’était pour nous l’occasion de “poser” nos savoirs faire en impression et de valider nos efforts techniques dans l’impression pigmentaire en se frottant à un audit pour devenir laboratoire certifié ( et nous avons donc réussi à être Hahnemühle Certified Studio en janvier 2015, Certification No.: 089694).
Parce que dès 2015 nous répondions aux critères de sérieux imposés par Hahnemühle :
- une connaissance de la chaine graphique et des contraintes de gestion de la couleur.
- des profils ICC personnalisés pour notre traceur
- un éclairage normalisé et une cabine de visualisation
- un lieu de stockage pour les papiers
- l’utilisation d’un RIP professionnel pour l’impression
- connaissance de leurs papiers.
- les logiciels et appareils de contrôle de type spectrophotomètre.
Nous avons donc été certifié par Hahnemühle en premier, ce qui a dû donner des idées au bureau marketing de Canson: “tiens, et si on faisait pareil ?”, c’est ça le brainstorming.
Devinez qui a demandé à faire parti de ce programme, moi ou le monsieur de chez Canson ? Vous avez 5 min, c’est le moment de la pause, c’est quand même long à lire tout ça, alors vous avez deviné? Oui, c’est Canson qui nous a demandé de prendre part à leur certification en janvier 2016 (pil poil 4 ans!), nous avons donc eu le numéro 6 de leur programme.
Bien sûr, nous répondions à tous leurs critères techniques…vu qu’ils étaient identiques à ceux exigés par Hahnemühle, facile.
Détails amusant, celui qui nous a fait l’audit, était, comment dire, sûrement plus théorique que pratique et moins calé que nous sur la gestion colorimétrique…pour être poli. D’ailleurs il n’est pas resté responsable de ce programme bien longtemps. En gros, avec nos savoirs faire accumulés depuis 2008 et nos formations sur le sujet de le colorimétrie, nous en savions plus autant que celui qui nous auditait.
A quoi ça sert tout ça?
Alors au final, à quoi ça sert cette certification ? A assurer, réassurer le client que le labo qui va imprimer ses tirages est sérieux ? A lui garantir que ses tirages seront bien réalisés, neutres, sur un papier de qualité ?
Oui, et non, parce qu’une fois obtenu ce badge, cette plaque, plus aucun contrôle…rien, pas de suivi, pas de nouvelles, le silence radio et nous nous retrouvons face à nos responsabilités et notre déontologie pour fournir des impressions de qualité, avec ou sans cette certification.
Je pense que c’est finalement juste le principe de la “médaille”, ça sert essentiellement à flatter…à faire du tatoin marketing, point.
Les raisons de la colère…
Pour commencer, je n’aime pas quand on me la fait “à l’envers”, question de principe, depuis la création de l’atelier en 2008 nous avons fait le choix de travailler uniquement avec des papiers de qualité et de longue conservation, ce qui nous a conduit à payer plus cher des papiers de référence (Canson, Hahnemühle principalement, TECCO aussi) au lieu d’acheter du papier au prix le plus bas en Chine ou ailleurs…
De ce principe découle que nous avons depuis le début TOUJOURS imprimé sur des papiers Canson (et Hahnemühle !), sans rien attendre en retour, voir pire, nous avons toujours fait la publicité de notre choix et nous avons beaucoup plus parlé de Canson que l’inverse, en partageant nos impressions sur Instagram et en citant Canson par exemple, sans JAMAIS avoir été repris par leur CM (qui ne semble pas maîtriser toutes les ficelles du métier…), essayez de trouver le compte Canson Infinity tiens pour voir, et cherchez le nombre de reprises…c’est émouvant de dynamisme.
Si j’avais dû attendre le bon vouloir de la publicité Canson pour faire vivre notre atelier je serais crêpier depuis un bail (c’est pas pour me déplaire l’idée remarque…), alors pas d’inversion, nous communiquons sur nos choix papier et travaillons pour eux, pas l’inverse, et pour rappel nous sommes leur premier client, le grand manitou aurait dû s’en souvenir.
Il veut des chiffres ? En voilà quelques uns : notre compte Instagram c’est 5.257 publications, 2.756 abonnés et 3 991 abonnements, celui de Canson Infinity (US) c’est 234 publications, 3.795 abonnés et 67 abonnements, notre page Facebook c’est 5.492 abonnés, la page Canson c’est… 15.575 abonnés, damned ! Nous manque plus que 10.000 ! Bon, OOBLIK c’est deux personnes, le groupe FILA (qui a racheté Canson) c’est plus de 10.000 employés, ils ont un peu d’avance sur nous aussi, bref le chiffre ne fait pas tout, sinon rien.
Ensuite, cette certification ne nous a jamais rien apporté en terme de soutiens de la part de Canson, ni technologique (pas plus d’accès à une “base de connaissance” par exemple, vu le peu de sérieux de celui qui nous avait audité…), ni en terme de communication en 4 ans, jamais une reprise de nos flux sociaux, ni même un “like”, ils se sont juste réveillés en fin d’année dernière pour préparer une carte avec les labo certifiés pour coller sur leur stand au Salon de la Photo, whoua…gros impact sur notre activité!
Pire même, le responsable marketing est venu de moins en moins à l’atelier, à vouloir nous vendre du papier cristal “neutre”, et toujours en nous martelant que nous faisions de moins en moins d’impressions pigmentaires et de colporter des ragots de confrères disant que nous n’existions plus (sic) et que nous avions même arrêté d’imprimer de la photographie en pigmentaire (re-sic…), ces réflexions ont finit par nous blesser et nous lasser.
Parce que nous n’aimons pas être pris en otage ou nous sentir coupables de nos choix d’entrepreneurs, ces choix qui nous ont conduit vers une diversification de nos services, et même si nous imprimions un peu moins en pigmentaire depuis l’acquisition de notre presse numérique Ricoh (maintenant nous avons une Konica Minolta C83HC !), c’était une réalité de l’évolution de notre d’activité et un choix porté par notre volonté de survivre, tout simplement, de nous adapter et de continuer à faire vivre notre entreprise depuis 2008, au service de la photographie et d’un service d’impression toujours de qualité.
un atelier d’impression artisanal & indépendant depuis 2008
Nous avons toujours dû nous adapter et évoluer pour continuer l’aventure OOBLIK, depuis le premier espace galerie rue Bossuet jusqu’au fameux Mètre Karé (on nous en parle encore…) qui proposait un m2 d’impression pigmentaire pour 40 euros, jusqu’à notre solution de web-to-print pour les carnets hébergés sur print-ooblik.fr, nous n’avons eu de cesse de vouloir progresser.
Nous avons imprimé pour des musées (jusqu’à la MEP et une magnifique série “Terre d’exil” de Jean-françois Joly imprimée sur Canson Baryta, jamais partagé chez Canson…), des galeries, des expositions par centaines, et nous avons dû rebondir après la crise des budgets dans la Culture en 2016, quasiment du jour au lendemain, Canson n’était alors pas là pour nous soutenir, nous conseiller, rien, personne pour nous dire quoi faire, que nos deux motivations pour rebondir.
Conclusion disruptive…
Pour finir, j’ai horreur de me voir imposer des valeurs opposés à nos aspirations (“faire du chiffre” c’est pas ce qui me caractérise le mieux…), alors que nous n’aspirons qu’à une chose “faire du beau” avec le plus de sérieux possible. Notre mantra depuis la création d’ooblik en 2008 est là pour en témoigner : “une maison sérieuse d’impression numérique au service de vos images”, pas une “maison pour faire du chiffre”…
Le volume ne m’a jamais intéressé, sortir de l’impression au km, faire de la publicité (de l’impression de labeur généraliste) non plus, nous avons même toujours refusé ce genre de travaux. Nous aimons trop la photographie pour faire autre chose que de la belle impression, prendre notre temps et assumer nos choix techniques en conséquence.
Sourions un peu…
Finissons par du positif, sortons par le haut de cette non-histoire: nous allons faire un heureux en libérant une place (à mon avis c’est la première fois qu’un labo rend sa plaque…), en 4 ans nous aurons eu une médaille et travaillé sans compter pour Canson sur nos comptes sociaux et dans nos communications, nous aurons eu deux rouleaux de papier pour organiser une exposition sponsorisée par Canson, j’aurais eu le plaisir de visiter l’usine de fabrication des papiers Canson à Annonay, nous continuerons à imprimer sur les papiers Canson, parce que nous les aimons…et que le monsieur du marketing ne va pas gâcher notre plaisir à imprimer sur ces beaux papiers, d’ailleurs à ce jour et malgré mon gentil mot joint à la plaque que je lui ai rendu le 20 décembre 2019, je n’ai pas eu la moindre nouvelle de sa part, silence radio, sûrement par timidité ou peur de se confronter à nous, qui sait ?
au revoir Canson!
Voilà, Vous savez maintenant pourquoi nous ne sommes plus (et ne serons plus jamais…) laboratoire certifié Canson Certified Print Lab, pourquoi ces certifications sont un produit marketing (ce qui n’est pas un mal en soi, d’ailleurs j’ai plaisir à conserver notre certification Hahnemühle, ils ont toujours été sympas et attentionnés avec nous, jamais demandé de faire du chiffre ou quoi que se soit d’imposé, juste à nous tenir informés de leurs produits et partager notre atelier sur leur site, le tout avec des échanges courtois, que demander de plus ?), et pourquoi seuls comptent vos retours et avis sur nos impressions, c’est vous qui nous faîtes progresser, c’est vous qui nous faîtes vivre, c’est à vous que nous devons de continuer d’exister depuis 2008 et c’est à vous uniquement que nous devons des comptes, et nous vous remercions pour votre confiance depuis tout ce temps, un grand merci pour finir, le principal c’est notre relation de confiance, pas cette plaque en plastique!
Claire & Marc
4 Commentaires
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Bravo, et merci de nous éclairer sur l’envers de ces procédés.
merci pour la lecture et le commentaire!
Bonjour Marc, Très bon article, savamment illustré, captivant et avec une démonstration d’une vérité mathématique. J’ai eu bien du plaisir à le lire, sans doute grâce à la pause proposée et à vous imaginer en foodtruck 🙂 Personnellement je suis plus proche géographiquement des labos pro toulousains mais je préfère faire des impressions chez vous. Pour le plaisir de votre accueil, le soin et les conseils adaptés à chaque cas, pour les tirages fabuleux, pour vos publications et mise en avant des productions des différents artistes qui passent par chez vous. Franchement la certif, à Toulouse ils doivent l’avoir, mais on va voir un artisan pour son savoir faire, et la confiance, voire la complicité. Alors bon, tu as bien fait de lui rendre sa médaille en chocolat, c’est aussi pour ces valeurs que nous apprécions OOBLIK 🙂
merci pour ce commentaire revigorant en ce froid hiver! Faire des bonnes crêpes c’est une seconde nature pour un breton 🙂